Quand la Lune croise le Soleil

Ancien RP s'étant déroulé il y'a bien longtemps, je l'ai vraiment apprécie, mais comme tous les drames, il n'y a aucune bonne fin.

*Une grosse tâche d'encre se situe ici, marquant une hésitation, l'auteur ayant probablement tenu la plume au dessus de la page, sans rien écrire avant un moment.*

Je me sens ridicule juste en couchant ces quelques mots sur ce qui sera mon journal, je présume. Quel exercice stupide, mais je préfère savoir mes pensées ici, au fond d'un tiroir, qu'à rôder au milieu de ma tête encore et encore, nuit après nuit. Et au vue de ma situation, peut-être laisserai-je une lecture intéressante pour quelqu'un. Ou pour Elle, qui sait ? Autant me presser avant que la mort ne vienne me cueillir.

Il y'a à peine deux ans je n'étais même pas humain, orphelin des rues, puis prisonnier, esclave, voyou, brigand, rebelle, me voilà enfin à une bonne position, Capitaine de la garde royale. Comme quoi, sauver un obèse bardé de titres, c'est utile. Le peuple me surnomme "Tête de Fer", j'aimerai en rire, mais voilà déjà deux mois que je suis incapable d'ôter ce casque de mon crâne, pire, il rouille sur moi, il s'incruste, il s'accroche. Je doutais pouvoir le retirer un jour. De toutes manières, ma peau ne supporte pas le contact du soleil, je supposais que c'était mon nouveau visage..

Je ne pensais pas voir un jour quelqu'un passer outre cette couche de fer, d'habitude, les gens s'en contentent. Je venais de finir d'accompagner notre cher souverain, longue vie à son gras, à sa présence hebdomadaire à la vente aux esclaves, ces ventes me rendent nostalgiques à chaque fois. Alors que je ruminais sur les quais, face au clair de lune, le seul astre que je peux fixer, Elle s'est présentée dans mon dos.

Bien sûr, je la connaissais : Dame Kenesha Eanor, comtesse, membre illustre de la noblesse, son père était un homme sans scrupule qui avait su saisir de nombreux marchés du continent via des méthodes disons...un peu spéciales. J'ai plié genou sans hésiter, on en attendait jamais plus de moi. C'est avec un léger sursaut que je me suis relevé à sa demande, elle demanda à m'observer. Je dois avouer ne jamais avoir reçu un tel ordre.

Soutenir son regard d'un vert si profond me fût difficile, mais je me fis fort de ne pas bouger. Après un temps qui me sembla à la fois long et affreusement court, elle déclara que j'avais de beaux yeux. Confus, je me suis discrètement rattrapé à l'un des rebords en pierre du quai pour éviter une stupide noyade. J'ai sentis ses mains se poser sur mon casque, elle disait me regarder depuis longtemps. Kenesha..qu'elle étrange tristesse il y avait dans son regard, elle tâcha bien sûr d'ôter mon casque, mais la rouille me scia bien vite la gorge, et du sang perla.

C'est confuse à son tour qu'elle brisa sa tenue jusque là noble pour se précipiter et se confondre en excuses. Elle pensait que les rumeurs à mon propos n'étaient pas vraies. J'aurais voulu que se soit le cas..
Nous nous sommes assis, et avons discutés. Elle était souillon autrefois, avant que son père ne l'adopte. Kenesha adorait la poésie et les romans de chevalerie, préférai le rose au reste, et rougissait facilement. Autant que moi en vérité, mais mon casque me gardait de ce détail gênant. Elle finit par déposer un léger baiser, sans hésiter, sur ce qui me faisait office de joue avant de me laisser là. Seul le soleil me fît me rappeler, à son levé, que je devais quitter les lieux.

Nous avons passés plusieurs nuits ainsi, je ne dormais plus à cette époque, mais qu'importe. C'est sans réaliser que je l'ai un jour naïvement suivit jusque dans sa demeure personnelle, proche d'un lac aux reflets nocturnes apaisants. Je n'avais osé imaginé la raison pour laquelle elle m'avait fait mandé, et ne m'était douté de rien quand je me tenais au bord de sa couche, les mains sur les genoux. Je préfère ne pas décrire ce qui c'est passé cette nuit là, ni les suivantes d'ailleurs. Nos cœurs tombaient leurs masques respectifs, et nos corps leurs autres..couches superflues, disons.

Je ne pensais pas un jour ressentir tout cela.

Nous partagions nos vies dès la nuit tombée, j'ai finis par composer ma journée de brèves siestes derrière mon bureau. Je délaissais mes responsabilités, mais elles m'importaient peu maintenant. Très peu.
Plus du tout, en vérité.

Au bout de plusieurs mois je me suis décidé à sacrifier une semaine entière pour me faire ôter fragment de rouille après fragment de rouille cette plaque malsaine qui m'empêchait de véritablement vivre jusque là. Par moment, les hommes-médecines n'ont eu d'autres choix que de limer ma peau. Je pense que cette cicatrice qui parcourt ma gorge ne partira jamais. Mais simplement pour observer la surprise de Kenesha, la chose en valût tout à fait la chandelle. Nous nous sommes embrassés pour la première fois ce jour-là.

J'aurais voulus que tout reste ainsi, des siècles durant.

Un jour anodin, casqué, je me suis décidé à rejoindre Kenesha à une vente d'esclave se déroulant en plein jour, heureux à l'idée qu'il ne s'attendrai pas à me retrouver sous les rayons diurnes pour une fois. C'est cependant gênée qu'elle se trouvait, j'ai saisis un peu plus tard lorsqu'un homme est venu la rejoindre et déposa un baiser sur sa joue. Un regard, et nous avions tout deux compris la situation. Lui était un fin lettré, écrivain, bien vêtu et au visage de chef d'oeuvre, j'étais un inculte, guerrier, en habits simples et au visage inconnu. Nous étions opposés sur bien des points, et pourtant nous portions visiblement le même amour brûlant à Kenesha. S'en suivit une discussion pleine de sous-entendus que je hais encore à ce jour.

C'est la nuit suivante que nous nous rencontrerons, au crépuscule plutôt. Symbolique, je suppose. Il disait que je lui volais ses nuits auprès de sa bien-aimée, je lui rétorqua de m'en laisser les jours. Nous n'avons pas discutés longtemps, aucun de nous ne céderai, c'était évident. Il se vanta d'être fin bretteur, et de manier la rapière à l'excellence.

C'est donc en secret que nous avons convenus de ce duel fatidique.

Glaive contre rapière, nous nous sommes affrontés de nouveau face au crépuscule, au milieu d'une plaine, loin de toute agitation, à régler nos comptes une fois pour toute. Bien que l'acte fût beau et dignes des plus folles aventures, il fût bien court, car bien vite je lui transperça le cœur alors que sa fine lame ne fît qu’érafler ma cuisse. J'étais presque déçu de voir mon rival partir ainsi. Je n'en dis jamais rien à Kenesha, elle ne posa d'ailleurs jamais la question.

C'est plus tard que j'appris qu'en vérité, la maladie était sur le point de terrasser le pauvre homme, il a dû préférer une mort digne. J'ai ,semble-t-il, perdu un grand ami. Nous étions si similaires, au fond.

La vie reprit son cours, et Kenesha tomba un jour enceinte. Il m'est difficile d'exprimer la joie que j'ai eu à ce moment là, et l’inquiétude qui m’envahissait à chaque regard que je lui portait. Cet enfant, était-il de moi ? Ou de Lui ? Le destin me priva de toutes réponses. Il me priva de tout.

Kenesha mourut, et l'enfant aussi, incapable de donner la vie.

Ma vie n'a plus de sens. Je ne suis plus qu'une tête de fer désormais. Et cette tête de fer commence à penser que quitte à se gausser de la mort, autant la chercher en accomplissant quelque chose d'utile. Je suis loin d'être seul, mais c'est à moi de mener la charge.

Demain, je tuerai un tyran qui se dit roi, ou je mourrais.

-Akseli Sans-nom, Capitaine de la Garde Royale, meneur des rebelles de l'Aube Rouge, Lieutenant des moines de guerre, et avant tout, amant d'une femme merveilleuse.